L'info Cerelloise

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A André Desvages

À André, un an déjà.

 

En juin, il fait beau. Les jours sont les plus longs de l’année. L’été avec son insouciance pointe son nez. L’année dernière, après avoir lutté avec une grande dignité jusqu‘au bout, l’ombre s’est avancée et a emporté notre ami. André s’en est allé après avoir vécu plusieurs vies en une.

 

Je l’ai rencontré en 2008. Un grand bonhomme, fringant, se présente devant moi. Il me dit tout bas : « André Desvages, paysan ». Je l’avoue. Je ne suis ni sportif, ni vraiment amateur de sport. Son nom ne me dit rien. C’est mon père, sportif et l’ayant vu courir à Vierzon, qui me précise le pédigrée de ce « paysan ». Voilà bien notre André, il ne se mettait jamais en avant. Et pourtant…

 

André possédait un parcours exceptionnel. Cet adjectif laudatif n’était pas galvaudé dans son cas. Il ne devait rien à personne sauf à lui-même. Il a su mener de front des études de dessinateur industriel et sa carrière de cycliste amateur puis professionnel. Et représenter la France aux Jeux Olympiques, quelle fierté ! Avec la Course de la Paix (épreuve cycliste emblématique des anciens pays du bloc communiste), il remporte des étapes et permet de poser sans cris égards les premiers jalons d’une réconciliation future. L’Histoire nous a montré tout l’intérêt du sport dans les relations internationales. André fut aussi le plus jeune directeur sportif d’une formation professionnelle, il recruta notamment Bernard Hinault qui sera l’icône de plusieurs générations. Inlassablement, il creusait son sillon à l’image de ses racines paysannes. Sans perdre de vue le monde du cyclisme, il fonda une société d’importation de pièces de cycles (cadres, pédaliers, sonnettes, etc.) pour de grands groupes français. Il aimait me raconter ses rocambolesques négociations avec le groupe Auchan/Décathlon ou ses mésaventures avec les téléscripteurs ou encore les routes maritimes empruntées par les cargos ayant embarqués ses conteneurs. Des kilomètres, il en a avalé que ce soit à pied, à vélo (sujet finalement peu évoqué), en voiture (« Mercedes, pour un commercial, c’est incontournable ! » dixit André), en train ou en avion !

 

Malgré une activité professionnelle chronophage et l’éloignant de Cérelles, il réussit le coup de force à se consacrer à notre commune en devenant président des parents d’élèves et conseiller municipal. Il appréciait se rendre à notre « bistrot communal » pour bavarder, boire un petit café et acheter La Nouvelle République. Toujours bienveillant, il avait un mot pour chacun ou une bise à délivrer. Un sacré charmeur notre André !

 

C’était un homme qui aimait les défis. Inactivité ? Pas dans son vocabulaire. Comment pouvait-il en être autrement à l’aune de son parcours ? Il possédait une intelligence que je qualifierai de « réflective ». Il écoutait les uns, les autres. Il pesait le pour, le contre. Le temps fait son œuvre, toujours nuancé dans ses décisions. La pondération. André était l’illustration d’une maxime de Richelieu : « Il faut écouter beaucoup et parler peu pour bien agir ».

 

Cérelles peut s'enorgueillir d’avoir eu au sein de sa communauté une personne ayant autant de valeurs humaines et qui sut mettre son expérience au service de tous. De la connaissance minutieuse de la commune, aux différents types de bitume, en passant par le budget (sa préférence et sa délectation : il passait tous les lignes au crible) ou la réforme des rythmes scolaires, aucun sujet ne lui était étranger ! Il a toujours œuvré pour le bien commun, avec bon sens et intelligence.

 

À la table du Conseil municipal, André était toujours à ma droite. Pendant une décennie, dans les intérêts de notre commune, nous avons travaillé. Nous avons proposé ardemment. Nous avons observé les « petits meurtres entre amis » puis les « petits arrangements entre amis ». Nous avons passé outre la traitrise. Nous avons conspué. Nous avons écrit. Nous avons amendé. Nous avons corrigé. Nous avons écouté. Nous avons ri. Nous avons partagé. Puis, le temps s’obscurcit. La démocratie locale s’effaçait au profit de structures institutionnelles beaucoup plus puissantes.

 

En mars 2018, je me retire. Il regrette ma décision. Lui siège jusqu’à sa dernière séance en prenant des nouvelles des uns et des autres… Ainsi était André. Il ne se lamentait jamais sur son sort. Il m’écrivait « wait and see ». À l’instar de Charles de Gaulle, André en était convaincu, « la fin de l'espoir est le commencement de la mort ». Il ne voulait pas s’y résoudre.

 

Comme il me l’a écrit le 19 mars 2018, cette décennie « fut une très belle expérience ». Homme pudique et introverti, il n’était pas du style à s’épancher. Il me fit pourtant le plus beau des cadeaux en trouvant les mots qualifiants notre lien et en me gratifiant d’ami. J’en fus très honoré. Finalement, il m’aimait bien alors que je le fis - de temps à autre - perdre son flegme légendaire.

 

Nous n’étions pas toujours d’accord. Loin s’en faut. Question de tempérament mais j’avais du respect pour lui. Du respect. Ce mot aujourd’hui ne signifie malheureusement plus grand-chose. Je pensais qu’André était un granite et que nous continuerions longtemps à nous rencontrer les vendredis en fin de matinée durant lesquelles nous abordions, pêle-mêle, la politique nationale, l’économie (son sujet favori) mais aussi les chevaux ou encore la mécanique… cette voiture qu’il entendait bien retaper entièrement… Notre dernière rencontre a été consacrée à mon cousin, le cycliste Julian Alaphilippe : « Il en a sous la pédale. Il est comme tous les Alaphilippe, il ne lâche rien ! ». Grand éclat de rire !

 

Certain(e)s ont souvent des regrets après le grand départ des êtres aimés et/ou admirés. Pour ma part, je n’ai pas ces regrets. Je lui ai tout dit. À la fin de mes prises de parole sur ces sujets plutôt « intimistes », il ne disait mot mais un rictus tout particulier et un regard rieur venaient éclairer son visage. Quelle chance d’avoir croisé son chemin ! Avec Emmanuel Kant, je suis convaincu « que toute notre connaissance commence avec l'expérience, cela ne soulève aucun doute ». Il a été capable de me transmettre les maillons de l’expérience : l’empirisme qui nourrit les idées.

 

À toi mon cher André, ce modeste témoignage pour t’exprimer, à nouveau, toute ma reconnaissance et mon amitié. Tu nous manques. Tu me manques.

   

Laurent Alaphilippe

Ton compagnon de route au Conseil municipal et d’ailleurs

 



03/06/2019

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